One last look.
Des murs blancs, un blanc vide, un vide blanc, un vide vide.
"Une maman, ça peut juste pas partir comme ça d'la planète terre."
C'est drôle, un grand-papa non plus. Un Pépé-Bonbon, ça n'a
pas le droit de nous quitter subitement après plusieurs années. C'est
drôle, quand elle est venue s'agenouiller en avant de la scène pour son
monologue, j'pensais craquer, j'croyais me noyer dans mes souvenirs.
Parce qu'on fait tous la même chose quand quelqu'un part. On fouille
dans les vieux tiroirs, on s'enveloppe de ses vêtements, on hume les
odeurs et on se l'imagine là, drette là. Juste en face de nous,
à quelques millimètres seulement. Les yeux fermés, les joues plein
d'eau, les lèvres tremblantes. Et pourtant, il n'y a que du vent. Y'a
son parfum, mais les vêtements, eux, restent vides. À jamais.
C'est drôle, parfois, de simples petites choses ramènent les souvenirs. On ne peut plus entendre certains refrains, on ne peut plus voir les dessins d'enfance, on ne peut plus apercevoir les jeux de cartes traîner sur le coin de la commode, on ne peut plus faire les mêmes trajets, on ne peut plus supporter des scènes de mort à l'hôpital, ni à la télé, ni dans les vues. Parce qu'on le revoit là, étendu de tout son long sur un matelas dur, dans son pyjama aux couleurs délavés. Parce qu'on le revoit là, branché à des machines, un masque sur la figure et râlant sa vie entière. Parce qu'on le revoit là, les traits ravagés par la vieillesse et par la maladie, ce foutu cancer de merde.
C'est drôle, j'ai la sensation de tomber en chute libre, mais pourtant, on me retient. Les contraires s'attirent, les contraires s'attisent, les contraires s'arisent. Et il y a un manque, il y a ce manque. Non, en fait, il me manque. Cette session-ci, j'ai voulu combler le vide en m'enfonçant la tête dans les études. Cette session-ci, j'ai voulu oublier le mal en m'imaginant qu'il sera là cet été, avec moi. Assis à sa place habituelle sur le divan vert recouvert d'un drap fleuri, la table de jeux plantée devant lui, le volume de la télé dans l'tapis, son chat couché contre ses jambes légèrement pliées, la télécommande enfoncée dans une craque du sofa. Qui? Qui va jouer avec moi? Qui va jouer avec moi au Cribb maintenant?